20.4.11

L'arobase et le Carambar

Antistress. Tout le monde ne dispose pas des émoluments d'un Jean-Claude Delarue pour s'envoyer une ligne de coke dans les narines quand la pression monte. Plus modestement dans certains "openspace" où se fabriquent des journaux et des magazines apparaissent les jours de bouclage des paquets de bonbons et des boîtes de confiserie en accès libre. Beaucoup y trouvent leur compte, ça mâchouille et ça vous gave de sucre tout à la fois. De surcroit ça pourrait vous faire sourire, voire vous rendre plus intelligent. Deux conditions tout à fait triviales sont toutefois nécessaires à cette dernière éventualité : disposer de Carambars plus d'une dentition à toute épreuve. Ces barres de caramel à mâcher apparues dans les années cinquante appartiennent dorénavant à notre patrimoine gustatif et culturel. Elles doivent leur succès à leur goût, au design de leur papier d'emballage que ne renierait pas un Raymond Loewy, rappelez-vous une grosse typo rouge posée sur fond jaune avec des rayures rouges et blanches nouées en papillote aux deux extrémités, et last but not least imprimée au verso une devinette, une blague, ou encore une charade, au petit bonheur la chance.

Test grandeur nature. "Qu'appelle-t-on en Suède un oreille d'éléphant ?" La solution inscrite en petits caractères rouges à l'envers donne l'arobase comme réponse à cette question. L'arobase ?  Naturellement c'est un peu courtCar saviez-vous que ce glyphe devenu l'icone des millions d'utilisateurs de l'e-mail fut choisi en 1972 par un obscur ingénieur d'une société informatique américaine qui cherchait un caractère séparateur qui ne puisse pas se confondre avec l'orthographe des noms. Le clavier de sa machine à écrire disposait d'un ovni graphique, l'@, utilsé par les comptables de l'époque pour exprimer un prix unitaire. Sans état d'âme il porta son choix sur ce glyphe, ignorant qu'il lui ouvrait la porte d'une notoriété retrouvée. Inventé par les moines copistes du Moyen Age pour abréger le préfixe latin "ad", cette vieillerie n'a pas fini de faire parler d'elle. Paola Antonelli, conservatrice du département d'architecture et de design du Muséum of modern art of New-York (Moma) annonça le 22 mars 2010 qu'elle avait inscrit l'arobase dans les collections permanentes du musée : "Nous n'avons pas acquis le symbole graphique de l'arobase mais sa présence virtuelle, son ombre comme l'ombre d'un papillon. Je n'ai pas besoin de tuer le papillon pour acquérir son ombre". Convaincue de la dématérialisation des supports, elle ajoute sans sourciller : "l'arobase est l'exemple fulgurant et magnifique de ce que le graphisme devrait être de nos jours. [...] Il devient un outil de visualisation de données complexes dont la fonction est d'aider les gens à comprendre, à gérer et à étudier des masses d'informations." La messe est dite. Heureusement qu'il nous restera nos vieux papiers de Carambar. Le façonnage en nombre de ces papiers de bonbon produit parfois des décalages qui font apparaître la réponse à une invisible question précédente. La queue du singe... Cela ne vous pas dit-il quelque chose ?

En savoir plus : Ray Tomlinson celui par qui toute cette affaire commença http://fr.wikipedia.org/wiki/Ray_Tomlinson
Raymond Loewy http://fr.wikipedia.org/wiki/Raymond_Loewy ;
La saga des Carambars http://fr.wikipedia.org/wiki/Carambar
Paola Antotonelli et son musée imaginaire par Véronique Vienne,
Etapes n°189, fév. 2011 ;


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