10.6.15

Milan, expo universelle : 2 cartons jaunes pour la France

L'intérieur du pavillon français avec en bas, à droite la dalle-écran controversée

Rappel des faits. Cette grande manifestation internationale qui se déploie sur plus de 110 hectares (l'équivalent de 151 terrains de football) à la périphérie de Milan jusqu'à la fin du mois d'octobre accueille 145 nations qui ont répondu présentes à l'appel du thème : "nourrir la planète, énergie pour la vie". Le cahier des charges consiste à construire un pavillon et à y dresser inside (restons dans la thématique) une grande table avec ses recettes ou solutions durables pour assurer la moins mauvaise tambouille au plus grand nombre (et ça se bousculera au portillon environ 8 milliards de terriens en 2025)...

On ne s'étonnera pas
de détester les artichauds !
Venons-en maintenant à l'objet du délit : le pavillon français. Pour y accéder, il faut tout d'abord passer par un jardin botanique où sont présentés dans une forme de labyrinthe, tous les spécimens de plantes qui poussent dans l'hexagone et qui contribuent à notre alimentation si diversifiée. Cela va du plus trivial navet à la plus extravagante cucurbitacée en passant par toute la gamme courante des céréales et autres graminés. Jusque-là rien à redire, mais on ne sait pas pourquoi il a fallu qu'on nous gratifie à l'entrée de ce parcours champêtre d'une infame sculpture façon Jeff Koons d'un certain Patrick Laroche qui nous dit-on adore les végétables et les sculpte depuis l'âge de 15 ans. Meilleur ouvrier de France, il n'en est pas à son coup premier essai. Bien mal lui en a pris car cette assemblage de trois artichauds géants tricolores est du bien plus mauvais effet, piètre copie du géant américain, roi du kitch dont on a pu admirer les œuvres en ce début d'année au centre Georges Pompidou.

Si la contrariété est effective, la faute de goût flagrante (premier carton), elle n'invalide heureusement pas la visite intérieure du pavillon et de son ingénieuse scénographie. Bâti comme une gigantesque charpente mouvante il s'apparente à un grenier à l'intérieur duquel sont suspendues, accrochées de toutes parts, les ressources solides ou liquides produites en nos terroirs ainsi que les ustensiles nécessaires à leurs préparations. La contemplation se passe dans les airs et ravit nos papilles, car contrairement à bien d'autres contributions qui utilisent des médiateurs virtuels, nous avons ici à faire aux vrais objets, aux produits tels qu'on pourrait les trouver sur les étals d'un marché. Les allées sont larges, la progression facile. Voilà pour le décor. Un discours sur la problématique alimentaire, les conditions de production, l'optimisation des ressources des sols, la traçabilité des produits, les usages et bonnes pratiques, les nouveaux modes de consommation, etc, se déclinent sur cinq dalles-écrans posées sur des remorques, disposées tout au long du parcours.

No comprendo ???
Ces didactitiels animés sont commentés en français et sous-titrés en français, anglais et espagnol. Jusque-là rien à redire non plus, sauf qu'à y regarder de plus près le dispositif ne fonctionne absolument pas. Les visiteurs passent devant sans y prêter la moindre attention et perdent toute la valeur ajoutée de la proposition française pour n'en garder qu'une vision anecdotique, culinaire voire folklorique. Deuxième carton, car ici le design lourdement a failli. Des erreurs de débutants autant dans le positionnement des écrans et que dans la lisibilité des sous-titrages. Affichés dans des couleurs peu lisibles et posés sur un bord latéral de l'écran principal, l'œil ne les voit pas et glisse sur le visuel comme à la patinoire ! Papatras, c'est assez rageant de voir défiler des cohortes de visiteurs dans l'incapacitié de rentrer dans le propos pourtant tout à fait pertinent. Après on pourrait poursuivre l'analyse et se demander si en de tels environnements l'usage de notre langue nationale est la plus appropriée. D'autres pays participants n'ont pas hésité à se faire introduire par une pulpeuse italienne, tandis que d'autres encore, plus modernes ou malins, ont réussi par d'étonnants dispositifs interactifs et ludiques à proposer des supports multilingues individualisés. Il est assez excitant pour un professionnel de la communication d'observer in situ comment des dispositifs si soignés soient-ils fonctionnent ou ne fonctionnent pas. Je vous invite à y faire une ronde. Dernier service le 31 octobre. Ciao.

Bonus : pour les amoureux du design et de la mode, Milan ne vous décevra pas avec entre autres, son Triennale Design Museum, ses innombrables showrooms et surtout la Casa Fornasetti, maison-atelier du décorateur Piero Fornasetti, dont on peut encore admirer l'immense talent et l'exubérante prolixité au Musée des arts décoratifs à Paris jusqu'au 14 juin.


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