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17.5.11

Dépucelage typographique


Vide-grenier. A la journée des Puces typographiques, je me suis rendu le samedi 7 mai dans la jolie ville de Bagnolet. J'y ai posé sur une petite table carrée, toute une série d'ouvrages qui ont accompagné, nourri jusqu'à la satiété mon œil de graphiste. Il était temps qu'ils inspirent de nouveaux regards, qu'ils soient à nouveau feuilletés, caressés puis dépouillés de leur contenu. A l'intérieur, ne vous y trompez pas, principalement des histoires de lettres, d'alphabets, de jeux de mots ou d'images, de proportions et de couleurs, de questionnements ou d'interrogations sur l'architecture des signes, l'art du livre et le sens de la communication visuelle. Autour de moi, deux éditeurs (B42 et les éditions des cendres), des créateurs de polices, de tampons, et d'objets graphiques allant du livre d'artiste à la sérigraphie. Mon petit commerce d'un jour ne s'en portant pas plus mal, une bonne de partie des livres que j'avais amenés trouvèrent un acquéreur. Parmi les recalés, un livre inattendu de Jacques Laccarière, Ce bel aujourd'hui datant de 1989 qui au demeurant n'avait aucun lien avec nos affaires typographiques puisqu'il y faisait sous la forme de morceaux choisis, l'éloge de son époque. Quoique, en y regardant de plus près...
A la page 11, tout d'abord une réflexion liminaire qui plante le décor : […] Apprendre à vivre avec son siècle : existe-t-il un livre, un manuel, un bréviaire susceptible de l'enseigner, et d'ailleurs est-ce vraiment enseignable ? Je me demande pourquoi tant de personnes autour de moi vivent dans la hantise de n'être pas assez modernes, perdant ainsi toute chance de l'être un peu. Car la modernité c'est exactement le contraire de la mode, malgré la ressemblance de ces deux mots. Etre moderne, c'est respirer au rythme de son temps et non s'essouffler à le suivre, c'est nager, sans jamais se laisser emporter par les courants dont il vous baigne. […]

Le typographe, un alphabet révolutionnaire évolutif, présenté par Julien Priez

Un peu plus loin à la page 21, un chapitre intitulé A Z E R T Y I O P tout entier consacré à une bien curieuse affaire, celle de l'ordre des lettres, dont il a été déjà ici question (voir la liste des mots-clés). Notre homme en effet découvrit l'alphabet avec la secrétaire de son père, qui a ses moments perdus lui apprit les 26 postures en égrenant les touches du clavier de sa machine à écrire. Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu'il intégra l'école, d'entendre la maitresse lui assener une toute autre chanson. […] L'abécédaire commençait par A B C D E F G et se continuait par H I J K L M N O… L'institutrice était-elle folle ? Où avait-elle trouvé cette ordre absurde ?  Je le connaissais bien moi, l'ordre véritable des lettres. Je l'avais appris sur les genoux de la dactylographe quand elle guidait mon doigt sur la machine. […] Le véritable alphabet ne commence pas du tout par A B C D E F G mais bien sûr par A Z E R T Y I O P ! […]  Pour conclure l'anecdote, l'auteur finit par trois petites questions en guise de contrepoint, façon Lagarde & Michard. Celle qui nous intéresse ici porte sur la phrase mystérieuse que tapaient les réparateurs pour s'assurer que toutes les touches d'une machine à écrire fonctionnaient correctement. Elle fut également largement reproduite par les photocompositeurs, dans leur catalogue de spécimen de caractères, puis par les diffuseurs de fontes qui affichent aujourd'hui sur le net la phrase recherchée : "Portez ce vieux whisky au juge blond qui fume". Ce pangramme (du grec pan : « tous » et gramma : « lettre ») phrase qui inclue toute les lettres de l'alphabet, longtemps abusivement attribué à Georges Perec grand expert en la matière, fut consacré par le système d'exploitation Windows dans une version XXL : "Servez à ce monsieur, le vieux petit juge blond assis au fond, une bière hollandaise et des kiwis, parce qu'il y tient." Sa version courte initiale, formée de deux hémistiches de six syllabes formait un alexandrin du bel effet qui avait en outre la particularité d'être hétéroconsonnantique (chaque consonne n'y était utilisée qu'une seule fois). Beaucoup se sont essayés à l'exercice avec des résultats la plupart du temps farfelus, comme par exemple cette variante "Le moujik équipé de faux breitschwanz voyage". Avis aux amateurs, sa consommation n'est soumise à aucune modération.

Liens : Les puces typographiques organisées par les Rencontres internationales de Lure ; Le détail en typographie aux éditions B42  ; Papiers dominotés à commander aux éditions des Cendres editionsdescendres@gmail.com ; le typographe Julien Priez  ; et ne l'oublions pas pour finir, l'homme par qui le scandale arriva Jacques Laccarière