28.10.15

Peintre en lettres, le retour...

Taggeurs?… non des peintres en lettres.

Quand le corps écrit. Qui aurait pu imaginer un jour le retour des peintres en lettres... surtout après l'arrivée massive des imprimantes à découpe sur support autocollant qui raflèrent toute la mise ? Pas grand monde… et pourtant le phénomène se développe un peu partout. Oui, ils sont de retour. Leur art et leur savoir-faire ne s'enorgueillissent pourtant d'aucun titre de noblesse. On ne les appelle pas calligraphe de rues ni graffeur d'enseignes... mais peintres en lettres tout simplement.
Il y a quelques jours devant le centre d'information sur l'Allemagne, en face de l'entrée du Sénat, à quelques mètres du théâtre de l'Odéon et du jardin du Luxembourg, deux hommes s'affairaient autour d'un escabeau, le premier monté en l'air grattait des caractères adhésifs collés sur les vitres à l'aide d'une lame, tandis que l'autre maintenait l'ensemble, solide comme un arc-boutant. Je suis arrêté et ai pris l'imbécile précaution de leur demander l'autorisation de photographier la scène. Ils m'ont renvoyé plutôt rudement, ne comprenant pas la portée haut combien symbolique de ce geste avant-coureur de l'épisode qui allait suivre. Quelques centaines de mètres plus bas, place Saint Sulpice à l'angle de la rue des Canettes, un jeune homme et une fille du même âge s'agitaient devant la grande vitrine latérale du Café de la Mairie, avec moults pinceaux, chiffons et crayon gras. A y regarder de plus près, ils étaient en train de tracer quelque chose. Je suis arrêté encore une fois et n'ai pas pu m'empêcher de les interroger. Oui, ils sont peintres en lettres, et réalisent une commande. Leur patron Jean-Michel Drolon est entrepreneur ! La jeune femme me tendit une carte. Cette petite entreprise exerce, maintient et promeut cette activité de peinture en lettre sous la raison sociale Lettres & Pigments (esperluette comprise). Sa promesse commerciale annonce la couleur sans équivoque : lettres peintes à la main "façon ancienne", décors, fresques. Je les ai laissé à leurs travaux. Quelques jours plus tard, j'ai pu contempler sur la vitrine deux belles inscriptions tracées à la main, Glaces et sorbets Berthillon, Alcools de marque, plus un panneau avec les mentions produits du terroir, patisseries. La messe était dite.
Rue des Canettes, un bistrot bien inspiré.

Mais en quoi, me direz-vous avec raison, cette gentille déco dans ce périmètre ultrachic de la Rive-gauche à Paris vous permet-il d'affirmer la renaissance de cette activité ? Eh bien il se trouve que plusieurs nouveaux arrivants dans la grande famille des graphistes et autres designers graphiques de tout poil se sont pris d'amour pour cette discipline et en particulier Jérôme Sallerin qui pour son Master en didactique visuelle de l'École supérieure des Arts décoratifs de Strasbourg a produit un documentaire passionnant Le corps écrit. Il est allé enquêter et filmer un peu partout dans le monde et a monté un portrait composite de huit acteurs qui pratiquent l'art de tracer des lettres à la main, chacun à leur manière, de la peinture en lettres jusqu'au tatoueur. La bande-annonce est visible sur Viméo. Le phénomène est bien général et touche toutes les grandes nations modernes. Le film qui a été présenté dans son intégralité aux dernières Rencontres internationales de Lure au mois d'août devrait être visible prochainement. Avis aux amateurs et à consommer sans modération.

En savoir plus : Jérôme Sallerin - Portfolio
Le corps écrit - Bande annonce sur Vimeo
Lettres & Pigments - Jean-Michel Drolon
Les Rencontres internationales de Lure 2015
Bonus : Rive gauche - Alain Souchon (pour la chanson, le clip est sans intérêt).

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