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6.3.11

Que fait la police ?

Personne n'est parfait (suite). Cas d'école : François Roboth, collectionneur d'activités. Sa notice Wikipédia le présente comme journaliste, photographe, chroniqueur gastronomique et apothéose, secrétaire général de l'association amicale des amateurs d'andouillette. Ces photos sont connues des collectionneurs pour avoir servi à illustrer des pochettes de disques de Pierre Perret et de Thierry Le Luron. Celles qui nous intéressent ici sont d'une toute autre nature. En 68, notre gaillard âgé de 32 ans suivit les événements de mai, un Nikon à la main. Trois ans plus tard, les éditions Balland sortirent un bien curieux petit album rassemblant ses photographies, intitulé "22". C'est encore au marché aux livres anciens du parc Georges Brassens à Paris que j'ai mis la main dessus, intrigué par cette couverture qui ne ressemble à rien mais qui en dit long.
Je ne crois pas qu'elle figure en bonne place dans une anthologie du graphisme de cette période et pourtant elle le mériterait. Non pas par ces qualités esthétiques, mais plutôt par sa puissance signifiante et son contenu subliminal qui ajoute du sens aux signes en permettant l'émergence dans sa totalité de l'expression argotique "22 v'là les flics" qui fait ou ne fait pas office de titre.


En dernière page de l'ouvrage figure une photo du Ministre de l'Intérieur et du préfet de police de l'époque Maurice Grimaud, l'occasion de rappeler à nos mémoires l'exceptionnel sang-froid de cet homme qui sut recadrer les forces de polices dont il avait la responsabilité et éviter une boucherie. Dans une lettre individuelle adressée à tous les policiers le 29 mai 1968, il redéfinit leurs missions dans le respect des principes républicains […] Frapper un manifestant tombé à terre, c'est se frapper soi-même en apparaissant sous un jour qui atteint toute la fonction policière. Il est encore plus grave de frapper des manifestants après arrestation et lorsqu'ils sont conduits dans des locaux de police pour y être interrogés. […].  68 est passé de mode, il y a pourtant des héritages, des conduites dont certains feraient bien de s'inspirer.

Lien. Back to typo. A tous ceux qui se casse la tête à reconnaitre une police, il existe un site : www.identifont.com  l'approche y est plus déductive que visuelle, mais bon nobody is perfect.






18.7.17

Quand Macron inventa le blitzdesign

Au Tank à Paris, rue des Taillanders, le 4 juillet 2017
Coup de maître. Au jeu d’échecs, le blitz inspiré de la blitzkrieg (guerre éclair) consiste à faire jouer les adversaires aussi vite que possible. Leur temps de réflexion ne peut excéder 15 minutes par coup. Pendant la campagne d’Emmanuel Macron, Olivier Alexanian et Thibault Caizergues en charge de toute l'identité visuelle et de la communication ne disposèrent même pas d’un temps équivalent. Plus la campagne avançait et s’amplifiait, plus les demandes s’accélérèrent au point de ne leur laisser que l’instant pour y répondre.

À l’occasion de la troisième édition de Type@Paris, un workshop annuel de cinq semaines autour du dessin de lettres leur a été donné l’occasion de revenir sur cette expérience singulière, le temps d’une conférence retransmise en live sur les réseaux sociaux, le mardi 4 Juillet.

Olivier Alexanian, diplômé de l’École nationale supérieure des art décoratifs en design graphique et tout juste titulaire d’un master de Sciences Po fut le premier à prendre le train en marche. Il récupéra le travail qu’avait produit l’agence Jésus et Gabriel dirigée par deux publicitaires plutôt spécialisés dans l’alimentaire. Ce sont eux qui furent vraisemblablement à l’origine du choix de la police Gill Sans qui devint par la suite la pierre angulaire de toute l’identité visuelle du candidat Macron (leur proposition initiale se déployait toutefois dans une déclinaison assez éloignée de ce qu’elle devint par la suite, magnifiée par l'italique).
Thibault Caizergues le rejoint en décembre 2016. Sorti de l’ECV Paris puis d’Intuit.lab en 2009, il a fait ses premières armes outre atlantique à New-york. Revenu en France en 2011, il a d’abord travaillé en free lance pendant cinq ans avant d’intégrer en 2015 le pôle numérique de la ville de Paris comme directeur artistique. Thibault et Olivier ne se connaissaient pas, seul leur engagement auprès d’Emmanuel Macron les a rapproché au point d’en faire un couple aussi consubstanciel que Bouvard et Pécuchet, Dupond et Dupont ou Debergny et Peignot, pour les plus typophiles d’entre nous.

La Gill Sans italique déclinée
ici sur unT-shirt
Des lors commença pour ce tandem une course folle contre la montre qui ne s’acheva que le soir du 8 mai, lorsque leur champion avec ses 65,9 % des suffrages exprimés franchit les marches du Palais de l’Élysée. Sans doute ont-ils poussé un « ouf » de soulagement, car à travailler non stop presque jour et nuit pendant presque 6 mois, ils approchaient l’épuisement. Rétrospectivement ils conviennent que ce work in progress effréné a défini les contours d’une nouvelle pratique du design, "blitzdesign" ou design de l’instant, indissociable de la toile et des réseaux sociaux.
Olivier et Thibault ont rapporté qu’ils ont bénéficié de l’absolu confiance d’Emmanuel Macron qu’ils n’avaient pas la possibilité de voir beaucoup. Ensuite ils ont du faire face à une telle demande d’intervention que les procédures de validation que l’on aurait pu imaginer obligatoires sur ce type d’enjeu ont purement et simplement sauté.

Sms de rappel pour les étourdis
Sur le terrain, par exemple au meeting du 17 avril au palais Omnisport de Bercy à Paris, le visiteur ne pouvait qu’être impressionné par la force de frappe des outils de communication déclinés pour l’occasion, la rigueur de leur mise en forme, la pertinence de leurs messages et la puissance de leur scénographie. Aux traditionnels T-shirts, flyers, banderoles, et drapeaux, était venu s’ajouter la nouvelle donne digitale des écrans. Ceux qui paraient l’intérieur du site et tous les autres connectés à distance, dans d’infinies variantes, des tweets aux murs des pages Facebook. Lors du discours prononcé pour l’occasion par Emmanuel Macron, Olivier Alexanian nous a raconté qu’il devait en l’espace de quelques secondes formater des citations qui lui arrivait par salves régulières et continues jusqu’à la fin de son intervention. Du blitzdesign à n’en pas douter, pendant plus de deux heures. Et cela n’était qu’une petite partie de son travail.

La réplique virale d'Emmanuel Macron
à Donald Trump du 2 juin 2017 
Nos deux compères au départ bénévoles ont été rapidement salariés par l’équipe de campagne puis ont intégrés les ors feutrés de la république et le port d'un costume-cravate. Ils continuent à accompagner le Président Macron respectivement à titre de directeur artistique et de directeur de création. Si le gazouillis français le plus retweeté Make our planet great again, est à mettre à leur crédit depuis, souhaitons leur la même ténacité et la même audace car le temps propre à celui de l’administration n’aura plus rien à voir avec celui d’un campagne électorale. D’un big-bang fulgurant les voilà téléportés dans un trou noir concentré d’inertie.
Quant à la police Gill sans, italique, dorénavant si intimement associée à l’image de notre nouveau président, il ne faudrait pas non plus qu’elle ne perde son autonomie, ni la signature de son créateur, le merveilleux dessinateur de caractère anglais Éric Gill (1897-1940). L’avenir le dira si elle poursuivra sa marche indépendamment du devenir d’Emmanuel Macron, de sa réussite ou de ses échecs. Mais le risque est là, à l’instar de toutes ces musiques qui ont perdu leur âme dans un amalgame fatal avec les objets qui ont contribué à leur diffusion et à leur gloire.
Rappelez-vous celle de Barry Lyndon de Stanley Kubrick, ou celle de l’Eurovision. Qui se souvient que Haendel et Charpentier qui en sont leurs auteurs ? Échec et mat.

Bonus : Type@Paris organisé par Jean-François Porchez ;
Eric Gill dessinateur et sculpteur anglais ;
La sarabande de Frédérick Haendel




2.2.11

365 fontes ou comment avoir sa dose quotidienne de typo

Que font les polices ? Pour les amoureux de la belle typo et de l'effeuillage (manuel – faut-il le préciser – ça ne marche encore pas sous iPhone) le Typodarium 2011 est encore en vente libre ! Dépêchez-vous, les éditions 2009 et 2010 ont été vendues en un rien de temps, nous avertit la page de présentation de cet étrange objet concocté par une bande de graphistes allemands qui ont imaginé transformer un banal éphéméride en catalogue de spécimen de caractères. Ce truc m'est tombé dans la main dans un rebond inattendu après avoir ricoché de lien en lien sur la toile. Le portail est en allemand dans le texte. J'y ai découvert un fonction de traduction automatique translate this blog assuré par Google itself (j'évite le himself - n'allant pas encore jusqu'à le considérer comme une personne ou pire mon ami). Pas rancunier, il m'a offert l'embarras du choix le bougre, une trentaine de langues du catalan au slovène. Ai choisi mécaniquement le français pour gagner du temps. Le résultat pourrait faire illusion mais prendre une fonte pour un type ça devient vite de la simplification ballourde... 180 fonderies et designers de trente pays différents ont été mis à contribution pour illustrer chaque jour de l'année par une police de caractère différente, l'ensemble en langue anglaise avec au verso quelques lignes sur le contributeur et sur sa création. Voilà ce que j'ai réussi en tirer. Avis aux amateurs de typos somme toute assez décoratives.


 Lien : www.slanted.de/shop/typodarium-2011 - 16,80 €.
P.S.  Le choix d'un nom de blog n'est pas une mince affaire, le second dégré ou le jeu de mots sont des leviers souvent productifs. Que fait la police ? en l'occurence fut un instant éligible avant que je m'aperçoive qu'il était déjà utilisé par un policier - un vrai - pour témoigner de la réalité de son métier.
Vaut le détour.


28.2.11

Profil bas...

Qui veut ma photo ? La photo d'indentité est bien souvent l'objet de détournement délibéré (ici un bien curieux effet passoire, réalisé avec la complicité involontaire du Monoprix Convention dans le 15e à Paris qu'il faut traverser de fond en comble pour atteindre la cabine de photomaton, le magasin aux accessoires étant libre, on a l'embarras du choix, emprunté temps de la prise de vue et remis en rayon aussitôt après, en toute discrétion). On rappellera pour mémoire l'ouvrage de référence  Photomaton de Raynal Pellicer aux éditions La Martinière, déjà cité dans un post du 31-01-11.



Moins drôle, la désynchronisation entre le sujet et la machine qui produit parfois de somptueux ratés. Qui n'en a pas fait la sinistre expérience ? N'allez pas essayer de les refourguer à un auxillaire de police. Depuis 2005, ça ne rigole plus dans les préfectures, plus question de sortir du cadre. Votre photo devra impérativement respecter un cahier des charges défini dans la circulaire ISO/IEC 19794-s : 2005 qui encadre le format, la couleur du fond, le port de tête, l'expression du visage, et le regard. Interdits le sourire en coin ou le regard coquin.

Qui eut cru que dans les réseaux sociaux virtuels, ça ne rigolait pas non plus. Un danois en fait les frais sur Facebook. Le 17 février, il a en été exclu parce qu'il avait mis sur son profil une photo de l'Origine du monde de Gustave Courbet. Ce tableau peint en 1866 représente le sexe d'une femme allongée nue sur un lit, les cuisses écartées C.Q.F.D. Prenant cette info pour un canular, un membre de la rédaction de La Recherche réitéra à son tour l'expérience, et afficha sur son profil le Courbet contesté. 5 jours après son compte fut clotûré sans tambour ni trompettes, jurisprudence du pudiquement correct oblige ! Jacques Lacan (dernier propriétaire du tableau avant sa donation au Musée d'Orsay) se retourne-t-il dans sa tombe ? Nous n'en savions rien mais à contrario ceux qui voudraient disparaître de Facebook sauront dorénavant comment s'y prendre.

15.9.15

Les media français boycottent-ils la mort d'Adrian Frutiger ?

Libération qui est certainement le journal le plus typé typo n'en a eu cure


Requiem. "Le secret d'une bonne écriture réside dans une subtile adéquation des lettre les unes aux autres, faite de contrastes mais aussi d'affinités. Il est fondé sur le rythme simple entre espaces blancs et traits noirs. L'œil glisse sur une ligne d'écriture". Ainsi parlait en 2002, Adrian Frutiger, l'un des plus grands créateurs de caractères contemporains. Ce géant de la typographie et du dessin de caractères vient de mourir le 12 septembre à l'âge de 87 ans dans un silence médiatique le plus total. Assourdissant, devrais-je dire. Ni Le Monde, Le Figaro et Libération n'en ont pas parlé. J'ai fait chauffer leurs moteurs de recherche mais sans grand résultat. Si l'inculture est patente, la faute d'ignorance avérée, il y a aussi une grande ingratitude de la part de ces grands pourvoyeurs d'informations dont le recours à la lettre et son dessin relève d'un lien presque ombilical.
Ombilical ? Je veux dire en jargonnant un peu : consubstantiel à leur activité même. Car les mots, ceux-là même qui s'affichent sous vos yeux, sont d'abord composés à partir de polices de caractères qui ne sont pas tombées du ciel, ni de nulle part. Toutes leurs caractéristiques ont été soigneusement pensées, puis dessinées avec une quête constante de perfection dans leurs contours, leurs contre-formes et leurs multiples détails, de façon à ce que l'œil les remarque et les capte avec la plus grande facilité dans une forme de complicité aveugle ! Un comble, ou un oxymore tout à la fois. Comme par exemple la fonte utilisée ici le Trebuchet, une linéale (bâton) humaniste créée par Vincent Connare pour Microsoft en 1996, selon un cahier des charges très précis qui exigeait une lisibilité optimale sur écran et sur papier.

Quelles archives, mais rien sur le 12 septembre
Zéro pointé




Mais revenons plutôt à nos bâtons. Frutiger appartenait à cette génération d'anciens, peu nombreux, capables de dessiner intégralement à la main l'ensemble des signes et caractères constitutifs d'une police. Avec toutes ses variantes (étroitisée ou élargie) et ses déclinaisons selon les graisses (du maigre, à l'extra-gras en passant par toutes les italiques) il ne va pas sans dire que cela représente un travail de Titan, voire de deux Titans. Cet infatigable marathonien nous a légué 28 polices de caractères au bas mot, dont certaines sont des devenus des grands standards, comme par exemple l'Univers, l'Avant-garde, le Frutiger ou l'OCR-B. Elles sont partout, en particulier sur les panneaux de signalisation des autoroutes, ceux-là même qui nous conduiront sans aucun doute possible à notre prochaine destination : les bords du lac de Chambéry où Adrian Frutiger vécut une bonne partie de sa vie. L'homme à ses moments perdus aimait à y observer des drosophiles, ces petites mouches du vinaigre très apprécié des généticiens mais aussi des plus grands des créateurs de caractères CQFD !

En savoir plus : Un dossier complet et très bien documenté produit par le site suisse Caractères : http://caracteres.ch/adrian-frutiger/
Adrian Frutiger  fr.wikipedia.org/wiki/Adrian_Frutiger
Les grandes dates de la typographie : Le typoscope
Le cobaye par excellence : fr.wikipedia.org/wiki/Drosophile
Adrian Frutiger un maître de l'Univers, bel hommage de Télérama (mieux vaut tard que jamais) dans son édition du 23-09 (n°3428) en p.14