31.12.14

Vœux du nouvel an : no tweet today

En 2015 renversez la sinistrose !
Bonne pratique. i-Veux une carte en dur, en papier de préférence, avec une enveloppe pour son acheminement, affranchie d'un joli timbre et adressée à soi-même de la plus belle écriture tracée à l'encre sympathique et i se demande s'il appartient encore à ce siècle.
Pas de panique bonhomme, tu ne tweeteras qu'en désespoir de cause, le 31 janvier au soir pour rester on time. Autrement à ton imprimante et si d'aventure ton budget ou le temps te font défaut, le courriel sera le juste compromis entre plugged et unplugged !

Piqure de rappel : Où en sommes-nous avec l'invention, post du 16-01-2011

17.12.14

Un nouveau logo pour SFR ?

 
Degré zéro de l'invention ? © DR

Junkdesign. A partir de quand peut-on considérer qu'un design est bon, pertinent ou novateur, qu'il fait progresser le sens commun, l'esthétique ou l'ergonomie, qu'il offre une plaisir d'usage et de contemplation évident, sans contestation possible ? Sous quel angle doit-on apprécier la valeur d'une proposition ?  Est-ce le critère purement formel ou esthétique qui prévaut ? Ou bien est-ce l'adhésion qu'il rencontre ? Ou encore le fait qu'il apporte une réponse à une problématique qu'il était censé résoudre. Voilà toute un série de questions qui nous sautent à la figure en face de certaines productions proches du degré zéro de l'invention. Y apporter une réponse dans la pratique est essentiellement une affaire de tempérament et de capacité à résister au contexte. Chacun y joue son caractère mais grosso modo on pourrait établir cette petite classification qui dégage trois catégories d'acteurs.

Les premiers sont des adeptes du ça passe ou ça casse et optent pour le passage en force au nom d'une exigence artistique ou stylistique qui ne supporte aucun compromis. Il faut s'appeller Ruedi Baur, Philippe Starck ou Jean Nouvel pour en arriver là. Cela n'est pas donné à tout le monde mais n'est pas sans risque non plus, car la brutalité dans une démarche de création s'accompagne souvent d'un retour de bâton ou d'un effet boomerang dévastateur. La radicalité est rarement supportée dans la durée et finit par se désagréger au fils des épreuves du temps.
Les seconds que nous qualifierions de pragmatiques, cherchent à composer avec le sens du vent, et noient le poisson dans un discours qui peut impressionner mais qui ne soutient que des propositions de circonstances sans pérennité non plus car la carence de sens est patente. On a vu ces derniers temps fleurir tout un tas de logos, qui ont intégré des effets graphiques de surface qui ne sous-tendent aucune symbolique, aucune valeur ajoutée, aucune profondeur. Voyez le logo SFR qui ressemble à un vilain bouton d'une interface cheap.
Enfin, les derniers les moins chanceux sont surement ceux qui de gré ou de force obtempèrent aux injonctions du client de plus en plus roi, celui qui n'a de cesse de croire que la PAO est un jeu d'enfant à la portée du premier venu, et que le produit de ces quelques clics ne mérite qu'une aumône en guise salaire.
Avant/après : le célèbre paquet de Lucky Stricke métamorphosé
par Raymond Lœwy. Le succès fut foudroyant.
Maintenant faisons entrer en scène Maya. Et que vient-il faire dans toute cette affaire, me direz-vous avec raison ? Rien à voir à avec la célèbre abeille du dessin animé éponyme mais plutôt avec un sésame qui pourra peut-être vous aider à trouver la pratique adéquate. Ces quatre lettres à la suite forme un acronyme fort malin qu'avait établi le génial et regretté Raymond Loewy : Most advanced yet acceptable. Autrement dit aller le plus loin possible dans l'innovation à la condition qu'elle soit recevable par ses destinataires. Voila le maître-mot que toute sa production nous a légué que j'ai à cœur de remettre au goût du jour pour la nouvelle année, histoire de repartir sur de bons rails et de contrecarrer le junkdesign ambiant. Et pour tous ceux qui voudrait relever le défi : à vos crayons et rhabillez-nous vite SFR qui le vaut bien !

En savoir plus sur Raymond Loewy : wikipédia
A réécouter : Une vie, une œuvre Raymond Loewy (1893-1986) Podcast de France-Culture

12.12.14

Touche pas à la couverture du livre !


Graffiti sur une affiche du métro parisien © vsfg

Noël. Avez-vous remarqué que certains de nos magazines ont pris le parti de ne pas reproduire les couvertures de livres qu’ils recommandent dans leurs suppléments cadeaux pour les fêtes ? Leur mise en page se construit souvent autour de visuels à vocation plus décorative qu’informative. Certains recourent à la main d’un illustrateur, d'autres préfèrent solliciter l’œil d‘un photographe. Mais quelque soit l’option et le talent de ces producteurs d’images, le résultat est le même : une liste de références commentées. Elle se déroule sous nos yeux, bien en mal de se figurer les ouvrages dont il est fait mention. Pas la peine de faire un micro-trottoir ou de tweeter la question de savoir s’il est possible d’acheter un livre sans en apprécier la couleur, le format, l’épaisseur, le visuel ou la typographie de sa couverture… la réponse est sans appel. Le livre n’est pas réductible à son seul contenu ou à son auteur. N’existe-t-il pas d’abord par l’objet qu’il devient une fois imprimé et relié ? Ne l’achetez-vous pas en partie pour sa robe, son parfum, sa main et l’émotion qu’il vous délivre à son contact ?
Certes la publication en cette fin d'année de ces listes est utile mais elle prive dans cet état les lecteurs d’un réel service. Quand on connaît la petite cuisine interne et la mauvaise passe dans laquelle se trouve la presse papier, on pourra révéler que cette pratique n’est pas le fruit du hasard ni du caprice d’un directeur artistique paresseux, elle s’inscrit plutôt dans une logique de productivité qui cherche à faire gagner du temps et de la place aux équipes de réalisation de vos journaux autant sur la recherche des visuels de couvertures longue et fastidieuse que sur leurs mises en page qui demandent mine de rien de multiples réglages et ajustements…
Piètres excuses, me direz-vous avec raison. Peut-on s’imaginer un seul instant être plongé dans une librairie dans un noir à 100 %, sans avoir des sueurs froides ? On insistera jamais assez sur l’importance des couvertures de livre. Joyeuses fêtes et bonnes lectures !
 
A découvrir : La féerie des mille et un livres d’Irma Boom
A relire : La laideur se vend mal de Raymond Lœwy, collection Tel (n°165)
Editions Gallimard


15.8.11

Ne bronzez pas idiot • 5e semaine

1 - Conduite accompagnée (suggestion de la semaine par Di Marco). Après avoir remis les 4 parties de l'image dans le bon ordre, délit de fuite ou assistance à personne en danger le choix vous appartient, racontez-le dans un commentaire d'une quinzaine lignes (dessin le cas échéant accepté, best of de vos contributions à la fin de l'été).

2 - Brush up your english with the Rob Pruitt 101 Art Ideas to do list
[91 to 101] :

[…]
81 - Take things apart.
82 - Put things back together.
83 -Toss losse change into a pile on the floor.
84 - Make an aluminium foil death mask.
85 - An electric fan wearing a T-shirt becomes an easy figurative sculpture.
86 - Make a portrait of someone by printing their phone number poster size.
87 - Make a portrait/self-portrait by captioning a mirror.
88 - Frame a crédit card statement, e.g., the month of your trip to Paris.
89 - Stalk someone.
90 - Collect autographs, one per canvas or page. Think of them as portraits.
91 - Make a photo album of all your wordly possessions.
92 - Record yourself talking for fifteen minutes, let your consciousness stream.
93 - Save and transcribe your voicemail. Publish your emails.
94 - Make a collage on an unopened wine bottle for the year of its vintage.
95 - Don’t clean your house and call it squatter art.
96 - Make a scent installation. A pipe branch in a microwave, pour a glass of cologne, fart.
97 - Write captions on the glass for the view outside your window.
98 - Write lyrics to a classical music composition.
99 - Title untitled paintings.
100 - Make a list
101 - Title your life.

Rob Pruitt, 1999, All Rights Reserved.
That's all folks !

3 - L'anagramme de la semaine : Lorgna o Elysée
(indice : primaires) par Clovis Ferdeus. Réponse le 22-08.
Solution de la semaine précédente : "A la recherche du temps perdu"
extrait de Mementos-fragments, de Michèle
Grangaud, éditions POL. 
----------------
Réponse : Ségolène Royal ! (Bonne fin de vacances)...

8.8.11

Ne bronzez pas idiot • 4e semaine

1 - Protection de la nature (suggestion de la semaine par Di Marco). Après avoir remis les 4 parties de l'image dans le bon sens, vous disposez de quelques jours pour vous débarrasser de l'animal que vous venez de recueillir et raconter dans un commentaire d'une quinzaine lignes votre bonne action (dessins le cas échéant acceptés, best of de vos contributions à la fin de l'été).

2 - Brush up your english with the Rob Pruitt 101 Art Ideas to do list :
[61 to 80]

[…]
61 - Frame a painting with a feather boa.
62 - Hang a painting crooked, upside down, or face to the wall.
63 - Go on an urban animal photo safari. Pigeons, rats, squirrels, cockroaches.
64 - Paparazzi your pet.
65 - Interior decorate your pet’s habitat.
66 - Make a valuable sculpture by adding a diamond.
67 - Put things on pedestals.
68 - Take things off pedestals.
69 -Two identical things side by side.
70 - Ten identical things in a row.
71 - Something cut in half.
72 - Put googly eyes on things.
73 - Draw faces on Styrofoam wig heads, light bulbs and eggs.
74 - Point a treadmill at painting.
75 - Name all of the bricks that make up a wall.
76 - Make up drag queen names. Amber Alert, Whitney Biennial.
77 - Make up band names.
78 - Name your plants.
79 - Name household pests. Bugs, mice.
80 - Invent a new color and name it.

[…] Following items next week.

3 - L'anagramme de la semaine : m'écharpe l'écharde du stupre
(indice : asthme). Réponse le 15-08. Extrait de Mementos-fragments,
de Michèle Grangaud, éditions POL. 
Solution de la semaine précédente : "Rien ne boite, Lacan"

1.8.11

Ne bronzez pas idiot • 3e semaine

1 - Natation (suggestion de la semaine par Di Marco). Après avoir remis les 4 parties de l'image dans le bon ordre, faites vos jeux, crime ou châtiment, vous disposez de quelques jours pour apprendre à nager et raconter dans un commentaire d'une quinzaine lignes votre exploit ou votre naufrage, au choix (dessin le cas échéant accepté, best of de vos contributions à la fin de l'été).


2 - Brush up your english with the Rob Pruitt 101 Art Ideas to do list
[41 to 60] :

[…]
41 - Curate a Netflix or Youtube festival.
42 - Make a mix tape.
43 - Take audio snapshots with a digital recorder.
44 - Arrange flowers in unexpected combinations. Cattails & dogwood, baby’s breath & spring onions.
45 - Make a monochrome meal.
46 - Dress in monochrome.
47 - Live in monochromatic house.
48 - Be a photographer without a camera. Download images from internet.
49 - Buy something expensive, put it on a pedestal, return it for your money back.
50 - Make mud. Two parts dirt, one part water. Use as paint or clay.
51 - Make a leaf out of paper and tape it to a tree.
52 - Make a tree and add it to a forest.
53 - Pour a glass of water to look at.
54 - Draw yourself into your favorite comics trip.
55 - Put everything inside outside.
56 - Bring everything outside inside.
57 - Fill a desk drawer with gravel and make a secret zen garden.
58 - Make a drawing by holding  a marker in a place other than your hand, wherever you can. Toes, mouth, underarm, butt cheeks.
59 - Make a drawing by highlighting as you read.
60 - Translate from one language to another.

[…] Following items next week.

3 - L'anagramme de la semaine : La boîte cranienne
(indice : maître du divan). Réponse le 8-08. Extrait de Mementos-fragments,
de Michèle Grangaud, éditions POL. 
Solution de la semaine précédente : "Le cimetière du Père Lachaise"

25.7.11

Ne bronzez pas idiot • 2e semaine


1 - Jeux de rôle (suggestion de la semaine par Di Marco). Après avoir remis les 4 parties de l'image dans le bon ordre, vous disposez de quelques jours pour rééditer (fictivement) ce fait divers et raconter dans un commentaire d'une quinzaine lignes votre version, (dessin le cas échéant accepté, best of de vos contributions à la fin de l'été).

2 - Brush up your english with the Rob Pruitt 101 Art Ideas to do list 
[21 to 40] : 

21 - Vandalize your home with spray paint.
22 - Graffiti your bathroom.
23 - Use a magazine as a sketchbook.
24 - Spread rumors.
25 - Draw something Small, scan it, print it out big.
26 - Turn your TV upside down.
27 - Turn your TV on its side, to watch while lying on your side.
28 - Watch your tv witout sound, or listen to TV with the screen covered.
29 - Watch a DVD in fast motion, slow motion, or reverse.
30 - Make a drawing by pressing pause and tracing the image off the TV screen.
31 - Spend a day in cotume.
32 - Sit on the toilets backwards.
33 - Make a sound composition when you pee by alternating the flow between the porcelain and the water.
34 - Do an interpretative to environnemental sound. Car alarm, baby crying, clock ticking.
35 - Wear diapers.
36 - Sprinkle glitter.
37 - Take drugs.
38 - Shoplift.
39 - Sneak your own merchandise into stores.
40 - Collect stuff.

[…] Following items next week

3 - L'anagramme de la semaine : Ici la chimère est perlée d'eau
(indice : Jim Morrison). Réponse le 1-08. Extrait de Mementos-fragments,
de Michèle Grangaud, éditions POL. 
Solution de la semaine précédente : "Touche pas à mon pote"

18.7.11

Ne bronzez pas idiot • 1ere semaine

1 - Encombrant (suggestion de la semaine par Di Marco). Après avoir remis les 4 parties de l'image dans le bon ordre, vous disposez de quelques jours pour construire votre célébrité et raconter comment vous manier la pelle en enregistrant un commentaire d'une quinzaine lignes (dessin le cas échéant accepté, best of de vos contributions à la fin de l'été).

2 - Brush up your english with the Rob Pruitt 101 Art Ideas to do list :

1 - Tell the truth.
2 - Tell a lie
3 - Change your name
4 - Make someone happy.
5 - Make someone cry
6 - Fake laugh.
7 - Fake an orgasm.
8 - Fake your death.
9 - Get plastic surgery
10 - Put make-up on body parts. Ear shadow, belly blush.
11 - Put make-up on your face.
12 - Make a painting with make-up.
13 - Stay in bed.
14 - Draw on your bed sheets.
15 - Make a baby.
16 - Kill yourself.
17 - Sell a collector a key to your house.
18 - Customize your refrigerator with paint, decals, and locate in a place other than your kitchen.
19 - Customize Storage boxes and display as sculpture.
20 - Make a painting on a lampshade.

[…] Following items next week

3 - L'anagramme de la semaine : Ta moto nous échappe 
(indice : fêté le 14 juillet au Champ de Mars à Paris)
Réponse le 25-07. Extrait de Mementos-fragments,
de Michèle Grangaud, éditions POL. 

17.5.11

Dépucelage typographique


Vide-grenier. A la journée des Puces typographiques, je me suis rendu le samedi 7 mai dans la jolie ville de Bagnolet. J'y ai posé sur une petite table carrée, toute une série d'ouvrages qui ont accompagné, nourri jusqu'à la satiété mon œil de graphiste. Il était temps qu'ils inspirent de nouveaux regards, qu'ils soient à nouveau feuilletés, caressés puis dépouillés de leur contenu. A l'intérieur, ne vous y trompez pas, principalement des histoires de lettres, d'alphabets, de jeux de mots ou d'images, de proportions et de couleurs, de questionnements ou d'interrogations sur l'architecture des signes, l'art du livre et le sens de la communication visuelle. Autour de moi, deux éditeurs (B42 et les éditions des cendres), des créateurs de polices, de tampons, et d'objets graphiques allant du livre d'artiste à la sérigraphie. Mon petit commerce d'un jour ne s'en portant pas plus mal, une bonne de partie des livres que j'avais amenés trouvèrent un acquéreur. Parmi les recalés, un livre inattendu de Jacques Laccarière, Ce bel aujourd'hui datant de 1989 qui au demeurant n'avait aucun lien avec nos affaires typographiques puisqu'il y faisait sous la forme de morceaux choisis, l'éloge de son époque. Quoique, en y regardant de plus près...
A la page 11, tout d'abord une réflexion liminaire qui plante le décor : […] Apprendre à vivre avec son siècle : existe-t-il un livre, un manuel, un bréviaire susceptible de l'enseigner, et d'ailleurs est-ce vraiment enseignable ? Je me demande pourquoi tant de personnes autour de moi vivent dans la hantise de n'être pas assez modernes, perdant ainsi toute chance de l'être un peu. Car la modernité c'est exactement le contraire de la mode, malgré la ressemblance de ces deux mots. Etre moderne, c'est respirer au rythme de son temps et non s'essouffler à le suivre, c'est nager, sans jamais se laisser emporter par les courants dont il vous baigne. […]

Le typographe, un alphabet révolutionnaire évolutif, présenté par Julien Priez

Un peu plus loin à la page 21, un chapitre intitulé A Z E R T Y I O P tout entier consacré à une bien curieuse affaire, celle de l'ordre des lettres, dont il a été déjà ici question (voir la liste des mots-clés). Notre homme en effet découvrit l'alphabet avec la secrétaire de son père, qui a ses moments perdus lui apprit les 26 postures en égrenant les touches du clavier de sa machine à écrire. Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu'il intégra l'école, d'entendre la maitresse lui assener une toute autre chanson. […] L'abécédaire commençait par A B C D E F G et se continuait par H I J K L M N O… L'institutrice était-elle folle ? Où avait-elle trouvé cette ordre absurde ?  Je le connaissais bien moi, l'ordre véritable des lettres. Je l'avais appris sur les genoux de la dactylographe quand elle guidait mon doigt sur la machine. […] Le véritable alphabet ne commence pas du tout par A B C D E F G mais bien sûr par A Z E R T Y I O P ! […]  Pour conclure l'anecdote, l'auteur finit par trois petites questions en guise de contrepoint, façon Lagarde & Michard. Celle qui nous intéresse ici porte sur la phrase mystérieuse que tapaient les réparateurs pour s'assurer que toutes les touches d'une machine à écrire fonctionnaient correctement. Elle fut également largement reproduite par les photocompositeurs, dans leur catalogue de spécimen de caractères, puis par les diffuseurs de fontes qui affichent aujourd'hui sur le net la phrase recherchée : "Portez ce vieux whisky au juge blond qui fume". Ce pangramme (du grec pan : « tous » et gramma : « lettre ») phrase qui inclue toute les lettres de l'alphabet, longtemps abusivement attribué à Georges Perec grand expert en la matière, fut consacré par le système d'exploitation Windows dans une version XXL : "Servez à ce monsieur, le vieux petit juge blond assis au fond, une bière hollandaise et des kiwis, parce qu'il y tient." Sa version courte initiale, formée de deux hémistiches de six syllabes formait un alexandrin du bel effet qui avait en outre la particularité d'être hétéroconsonnantique (chaque consonne n'y était utilisée qu'une seule fois). Beaucoup se sont essayés à l'exercice avec des résultats la plupart du temps farfelus, comme par exemple cette variante "Le moujik équipé de faux breitschwanz voyage". Avis aux amateurs, sa consommation n'est soumise à aucune modération.

Liens : Les puces typographiques organisées par les Rencontres internationales de Lure ; Le détail en typographie aux éditions B42  ; Papiers dominotés à commander aux éditions des Cendres editionsdescendres@gmail.com ; le typographe Julien Priez  ; et ne l'oublions pas pour finir, l'homme par qui le scandale arriva Jacques Laccarière

3.5.11

La loi du marché


Timbré. Quand j’étais gamin, j’ai collectionné des timbres. Manque de chance, le Yalta philatélique avait déjà eu lieu bien avant ma naissance. Mes trois frères ainés s’étaient partagés le monde et chacun d'entre eux disposait d’un tiers du gâteau qu’il assemblait dans un grand album cartonné, bien gardé. Lorsqu’à mon tour, je me suis pris au jeu, il ne restait que des miettes, de lointaines colonies australes et des doublons. Alors je me suis calé sur le modèle de l’ainé, qui gérait dans son escarcelle, la France, la Suisse (qui avait l’étrangeté de porter les couleurs de l’Helvetia), l’Egypte et je ne sais plus quels autres territoires. Au commencement, la seule contemplation de ces petits morceaux d’images suffisait à mon bonheur, indépendamment de leur valeur faciale et de leur état. Peu à peu, je me suis rendu compte que la plupart des timbres récents supportent la marque de leur propre bannissement. A partir du moment où ils sont oblitérés, ils perdent l’essentiel de leur valeur commerciale. Autre impératif, ils doivent avoir comme tout bon esclave, toutes leurs dents, sans aucune pliure ni coin abimé. Cette dure loi du marché n’avait aucun sens pour l’enfant inexpérimenté que j’étais alors. En quoi un timbre neuf qui de fait, n’a pas voyagé, ni peut-être traversé des océans, pouvait-il prendre l’avenant sur son alter égo tamponné ? Cet infamant stigmate lui donnait au contraire à mes yeux une aura bien supérieure. Comme les visas et les tampons des douanes sur un passeport, l’oblitération m’apportait la preuve tangible de son trajet et attestait la date de son départ.

Centenaire de l'école Estienne (1989) - Valeur faciale : 2.20 francs
Ma déconvenue fut totale lorsque je franchis l’échoppe d’un marchand, pour acquérir un timbre qu’il me manquait dans une série d’animaux produite par les postes suisses. Il n’était pas possible de l’acheter séparément. Seule la série complète était promise à la vente et à un prix bien plus conséquent. La vénalité des choses me détourna de ce commerce sans toutefois m’en éloigner totalement. Ces petits bouts d'images opiniâtres venaient périodiquement frapper sous notre porte. Lorsqu'un nouvel arrivant se présentait, il était précieusement déchiré de l'enveloppe puis décollé de son support en l'exposant à de la vapeur d'eau chaude. Et si d'aventure il résistait un trempage intégral devenait indispensable.
A l'époque je n'imaginais pas qu'un jour le timbre deviendrait autocollant, qu'il pourrait se personnaliser à la demande et que malgré tous les artifices et les gadgets de la modernité (comme par exemple ces timbres à semer avec des graines encapsulées sous pastilles biodégradables que la Poste a édité en février dernier) il sera condamné à disparaître, victime d'avatars numériques redoutables, comme l'arobase et le mms. Quelques-un d'entre nous le regretteront. Revient à ma mémoire ce beau chant d'amour qu'écrivit à son propos le peintre autrichien Hundertwasser disparu en 2000 : […] Le timbre est la seule œuvre d'art que tout le monde peut posséder. Jeunes et vieux, riches et pauvres, bien portants et malades, savants et ignorants, hommes libres et privés de liberté, ce précieux morceau d'art atteint tout le monde en tant que cadeau venu de loin. Le timbre rend témoignage de la culture, de la beauté et du génie créateur de l'homme. […]

Bonus : Personnaliser ses timbres http://montimbramoi.laposte.fr ;
découvrir Hunderwasser http://www.kunsthauswien.com/en/home
ou l'Ecole supérieure des arts et industries graphiques alias Ecole Estienne  http://fr.wikipedia.org/wiki/École_Estienne